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10 juillet 2016
Devoir de vacances citoyen ? Exercice pratique de démocratie les pieds sur terre ? Ou simple billet d’actualité ?
« Le petit journal de Montbrison » (350 habitants) du 6 juillet 2016 nous informe que la commune fait partie des communes touchées par la flavescence dorée, maladie gravissime de la vigne (un phytoplasme). Dans tous les départements viticoles, par arrêté des préfets concernés, toutes les vignes, y compris les treilles, doivent être donc obligatoirement traitées pour supprimes le délicieux insecte, la cicadelle de la vigne, qui transmet la maladie dans les vignobles. Les ceps touchés par la maladie doivent être arrachés et brûlés.
Le traitement doit mettre en œuvre un insecticide puissant.
Colère des écologistes : au passage on va encore causer des dommages importants à l’apiculture. Il faut donc agir plus finement en utilisant des terres de diatomées, de l’argile kaolinite calcinée, des pièges à cicadelles qui sont attirées par la couleur orange et même des épandages de pailles d’avoine dont la forte intensité lumineuse éloignerait les cicadelles.
Pour les producteurs de vins biologiques du Languedoc Roussillon le pyrèthre reste le principal moyen de lutte contre la flavescence dorée (voir en N.B).
Hier j’ai profité de la sortie de la messe (la maison est mitoyenne à l’église) pour questionner sur ce point le principal notable de Montbrison, lui-même viticulteur et très honnête homme. Réponse : les traitements « écologiques » sont insuffisants.
Voilà ! Viticulture contre apiculture (et peut-être d’autres)
L’ordre préfectoral, sans nul doute demandé par le ministère de l’agriculture, est-il le fruit d’un processus démocratique ? ou de la puissance respective et discrète des lobbies concernés ? Les producteurs de vins biologiques du Languedoc-Roussillon sont-ils de vrais écolos ?
Gérard Piketty
Gérard,
Tu me replonges à une autre époque !
En 2000 et 2001, à la demande de l’université de Berkeley et de l’Ambassadeur des Etats-Unis, j’ai été impliquée dans un grand projet sur la maladie de Pierce, maladie de la vigne qui commençait à se répandre en Californie. Elle a depuis détruit plus de 35000 hectares. Cette maladie a beaucoup de similitudes avec la flavescence dorée ; pour la maladie de Pierce, il s’agit d’une bactérie Xylella fastidiosa qui est transmise aux pieds de vigne également par une cicadelle. La demande de liens avec les chercheurs français venait du fait que la flavescence dorée ne s’est jamais transmise aux Etats-Unis et que la maladie de Pierce ne semblait toucher que le continent américain. J’ai fait venir le seul grand spécialise américain de cette maladie, le seul qui avait consacré sa vie à cette maladie (il y en a bien d’autres maintenant) et nous avons fait le tour des centres INRA qui pouvaient apporter des éclairages (Dijon et des travaux sur la flavescence, Nice et les cicadelles, Montpellier et Bordeaux ou nous avons rencontré Joseph Bové père, ancien directeur INRA qui faisait des recherches sur les orangers et citronniers du Brésil que la bactérie Xylella fastidiosa a décimés et qui est un défenseur des OGMs). L’année suivante, nous avons organisé un grand colloque à Montpellier pour trouver des réponses à cette maladie.
A l’époque, je maitrisais un peu plus le sujet. Mais il me reste de ce colloque un point important : il a contribué à changer ma vision des OGMs (un autre conférencier a également joué un rôle important). Il y a toutes sortes d’OGMs et le public ne sait pas faire la différence. Dans le cas de la maladie de Pierce, d’après les chercheurs, la seule solution à long terme passait par la modification génétique de la plante (ou éventuellement de la bactérie), car on ne sait pas traiter la maladie ; l’arrachage des plants malades et la lutte par les insecticides contre la cicadelle parviennent seulement à ralentir son expansion. Depuis, les recherches se sont intensifiées aux USA et, ils semblent avoir mis au point des variétés résistantes par traitement génétique (je crois en jouant sur l’interaction plante-bactérie) sans pour autant ignorer la lutte biologique contre les cicadelles. C’est, je crois, la mobilisation et la collaboration de tous, agriculteurs, état et chercheurs qui ont permis et permettront de sauvegarder les vignobles.
Et maintenant on sait que la bactérie Xylella fastidiosa a atteint les oliviers des Pouilles. L’expérience de ce type de maladies montre que, dans un premier temps, seul l’arrachage permet de limiter l’expansion de l’infection. Que faire d’autre avant de mettre au point de nouvelles variétés, sans doute par manipulation génétique si on se réfère aux expériences du Brésil ou de la Californie?, Faudra-t-il introduire des gênes de résistance ? Les images de vignoble détruit en Californie m’avaient terriblement impressionnée.
Je connais moins la lutte contre la flavescence dorée ; toutefois, je ne crois pas que ce sont les lobbies qui soient à l’origine des arrêtés préfectoraux. Les dégâts sont bien réels et tant qu’on n’a pas développé de plants résistants à la maladie, les traitements sont indispensables pour limiter l’extension de la contamination (ce que l’on a pourtant pas vraiment réussi puisqu’elle semble s’étendre au Sud Ouest). Il faudra sans doute que les écologistes choisissent entre OGMs, insecticides ou disparition des vignes. Les dégâts sont peut-être causés par l’homme (la cicadelle de la flavescence dorée semble venir des US) ; mais il faut bien trouver des solutions.
Dans ce même esprit, on peut aussi se référer à la sauvegarde de la papaye à Hawaï (voir l’article https://jacqueshenry.wordpress.com/2015/08/18/5525/ qui me semble faire un point récent sur cette question)
Je soutiens l’agriculture biologique et je pense que l’on n’a pas fait et qu’on ne fait pas assez de recherches dans ce domaine ; toutefois, il y a des moments où il peut-être indispensable d’utiliser des produits chimiques ou de recourir aux manipulations génétiques. Je ferai le parallèle avec la médecine : prendre le moins de médicaments possibles, mais de temps en temps, c’est indispensable pour vivre plus longtemps et en bonne santé. Et n’oublions pas que les OGMs sont utilisés en médecine, en particulier pour la fabrication de l’insuline que prennent aujourd’hui sans doute tous les diabétiques, ce qui ne provoque aucun débat ou opposition.
Pour plus d’informations
Sur la flavescence dorée : http://www.vignevin-sudouest.com/publications/fiches-pratiques/flavescence-doree.php
Maladie de Pierce : Un bon article en français d’un ancien directeur de recherches de l’INRA: http://www.tela-botanica.org/actu/article6741.html
Aux US, le site du departement de l’agriculture de Californie et le rapport annuel sur le programme de contrôle de cette maladie: https://www.cdfa.ca.gov/pdcp/
J’ai pris grand plaisir à me replonger dans ce sujet qui m’avait occupée de longs mois et m’avait beaucoup intéressée.
Sylvie Vacheret
Retraitée de l’Ambassade des Etats-Unis
(information sur la politique économqiue et environnementale des Etats-Unis)
De tous temps, le but des paysans fut l’amélioration variétale. Pour y arriver il leur fallait l’esprit d’observation et du temps. Ils les avaient.
Je vous passe les méthodes. Toutes furent codifiées oralement mais aboutirent par écrit à La médecine expérimentale de Claude Bernard ( 1854 ). Cet esprit d’observation et de logique animait son contemporain Semmerville qui combattit la fièvre puerpérale et, 30 ans plus tard, Louis Pasteur et les autres.
L’action de l’homme dans le domaine de la vie végétale et animale est constante. Elle vise la capacité variétale sous tous ses aspects et en particulier la résistance des plantes aux aléas de la vie ( la rusticité ). La cour de Louis XIV raffolait des prunes de Brignoles et du raisin de Moissac. En 1900, Paris aimait l’agneau de la Drôme. Blocus continental : Napoléon récompense le producteur de la betterave au taux de sucre le plus élevé. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le phylloxera ravageait tous les vignobles français sauf l’Alsace. Tous furent sauvés par l’introduction de porte-greffes américains résistants. Finis les Viniferas francs, sauf en Camargue. Mes bisaïeuls injectaient du sulfure de carbone dans le sol. Bref, toujours les deux efforts : améliorer les variétés d’une part, chercher la meilleure pharmacie d’autre part. Impossible de récuser les deux à la fois.
L’homme use de tous les moyens de protection contre les maladies et les parasites. L’amélioration variétale des plantes et des animaux, la génétique, remplace progressivement les insecticides et bientôt les matières actives anti-cryptogamiques. La qualité, les volumes des récoltes et les temps d’élevage y gagnent. Les biotechnologies élargissent les voies traditionnelles en les rendant beaucoup plus rapides. Exemple en pharmacie humaine : la bioproduction de l’insuline au service des diabétiques. Exemple en pharmacie végétale : le bacillus Thuringiensis déclenche dans un plant de vigne la production d’une protéine mortelle pour un parasite comme le ver de la grappe pendant trois semaines.
D’après une estimation de 2015, 179 millions d’hectares ont été plantés d’organismes génétiquement modifiés (OGM) ( sauf en Europe ). L’obtention des semences améliorées ainsi que leur adaptation au système de culture sont assez compliquées.
La chirurgie génétique agit sur le génome et par conséquent sur le génotype. La modification produite est héréditaire. Chez l’homme, ces interventions se pratiquent déjà, en particulier pour les maladies du sang. Quant à leur généralisation, il importera de se souvenir du conseil d’Henri Bergson : « Parallèlement aux acquisitions des sciences et des techniques, saisissez en vous un supplément d’âme. »
Marc Descour