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Commencer à parler de Marina Tsvetaieva, c’est comme ouvrir un tiroir de commode et aussitôt, avec celui que vous venez d’ouvrir, s’ouvrent d’autres tiroirs dont les noms sont Marie Baskitcheff
  Marie, Baskitcheff, je l’aime à la folie… Elle est aussi vivante pour moi que moi- même…(lettre à Vassili Vassilevitch du 7 mars 1914)
Lou Salomé à qui la reliera son amour pour Rilke, Anna Ahmatova
  Que mon esprit monte vers toi, Créature De femme non terrestre !
Maïakovsky, Alexandre Blok, Andrei Biely, le Prince Vronski, Boris Pasternak et Rainer-Maria Rilke.
Il fallait qu’en ce mois de la poésie consacré à l’Ardeur, une voix féminine s’élevât pour célébrer celle qui disait :
  Vivre dans le feu !
qui voulait
  calciner ses limites,
disait encore
  Ma faim est insatiable de tristesse, de passion et de mort.
et implorait
  Femmes, priez pour l’âme même de l’Amour !
Boris Pasternak disait d’elle :
  Dents serrées et le feu même…
et André Breton qu’elle était
  un de ces poètes qui, comme Rimbaud, n’ont jamais pactisé avec la vie.
Voyons donc quelle fut la trajectoire de sa vie dramatique et, parce que les deux sont intrinsèquement liées, quelle est l’œuvre qu’elle nous a laissée en héritage, en témoignage, en profession de foi.
Marina Tsvetaieva est née en 1892 dans une famille aisée et intellectuelle. Son père est historien et directeur de musée. Sa mère, pianiste, souffre de tuberculose et la famille fait des séjours sur la Côte d’Azur et en Italie. Marina et sa sœur sont mises en pension en Suisse à Lausanne en 1902 puis à Fribourg en 1904. A la mort de sa mère en 1906, elle a 14 ans. Elle retourne à Moscou et sera interne dans différentes pensions. Elle écrit déjà.
  Mes deux premiers livres : Album du soir, 1910 et La Lanterne magique 1911. Je pense éditer cet automne un recueil sur Marie Baskitcheff. (lettre à Vassili Vassilevitch mars 1914)
et envoie des lettres enflammées à différents auteurs. Les étés se passent à Tarouga dans la maison familiale ou au bord de la Mer Noire. Sur une plage de Crimée en 1911, près de la datcha des Volochine, elle rencontre Sergueï Efröm. Elle ramasse des galets dont elle fait collection. Il vient à sa rencontre et trouve pour elle une cornaline, symbole de leur amour éternel, qu’elle gardera toute sa vie. Ils se marient en janvier 1912. Jusqu’à sa mort, elle sera fidèle à ce premier amour, le plaçant au-dessus de toutes les autres passions exaltées mais éphémères, et reviendra toujours auprès de lui. En septembre 1912 naît Alia, sa fille, son amour, son double. En 1913, son père meurt. Elle publie son deuxième livre La lanterne magique.
  De mes vers écrits si tôt
  Que je ne me savais pas poète
  Jaillit comme l’eau des fontaines,
  Comme le feu des fusées
La première guerre mondiale éclate en 1914 et Serguei part au front comme infirmier. Marina se lie avec l’auteure Sonia Parnok.
  Sonia m’aime beaucoup et, moi aussi, je l’aimerai toujours.
Elle rencontre Ossip Mandelstan, Balmont, Blok, d’autres poètes moins importants mais tous soulèvent son enthousiasme et inspirent ses poèmes. Elle écrit cependant :
Sérioja, je l’aime pour toute la vie, il est la chair de ma chair, jamais je ne le quitterai. Je ne sais pas où il est mais je lui écris chaque jour, il connait toute ma vie…
En 1916 ils sont de nouveau réunis. En 1917, naît Irina, leur seconde fille. Efröm s’engage dans les rangs de l’armée blanche. Marina écrit pour lui Le camp des Cygnes qu’elle déclame dans Moscou la rouge ! Il est son cygne blanc mais il repart et ils seront sans nouvelle l’un de l’autre pendant quatre ans. C’est pourtant pour Marina une époque d’effervescence : amitiés passionnées, théâtre, poésie, rencontres. Le bel appartement, partagé entre plusieurs familles, n’est ni chauffé ni entretenu, qu’importe ! Elle écrit poèmes et correspondances, emmène Alia écouter Alexandre Blok, Balmont ou Ehrenbourg au Palais des Arts, y lit ses propres vers.
  L’ancienne maison dans laquelle vivait la famille Rostov de « Guerre et Paix » est devenue Le Palais des Arts en 1919 et porte en fronton une plaque : Union des écrivains d’URSS.
On y va aussi applaudir des pièces de théâtre mais Marina n’a plus aucune ressource, plus de quoi chauffer son appartement, ni nourrir sa famille. Elle a épuisé son héritage, refusé de travailler dans un service administratif qu’elle jugeait absurde. La famine sévit et, désespérée, elle va mettre ses filles dans un orphelinat à quelques verstes de Moscou. Alia y tombe malade du typhus et Marina l’en retire à temps pour la sauver. Quand elle vient chercher Irina, celle-ci est morte de faim. Bouleversée, d’autant plus blessée qu’elle n’avait pas pour Irina le même attachement que pour Alia, jamais elle ne se remettra de cette tragédie. Elle survit en écrivant une centaine de poèmes lyriques : Verstes, des poèmes narratifs : Le Tsar-Demoiselle, Sur mon cheval rouge dédié à Anna Akhmatova :
  Tous mes oiseaux, il les lâchait entre les monts et la débâcle fracassante…
  Oh les pompiers ! Partout ça hurle ! Partout ça brûle!
  L’âme qui brûle…
  Aux gerbes rouges des flambeaux, j’applaudis, je bondis, rugis
  De moi, l’éclair jaillit !
C’est la fin du vers classique jeté en l’air et disloqué au gré de sentiments jaillis de l’âme, des émotions de l’inconscient. Le vers s‘est fait chair. C’est un morceau de vie que le poète arrache à lui-même et jette à ceux qui l’écoutent. Le poème se doit de restituer par le langage le mouvement spontané et chaotique de l’émotion, la vitesse de la pensée et de ses fulgurances. Enjambements, télescopages des mots, ellipses, raccourcis de la phrase lui donnent une telle vigueur qu’on en reste abasourdi ! On ressent la proximité des surréalistes que pourtant elle ne fréquenta jamais. A la mort de Blok, elle lui dédie une suite de poèmes. Elle lit énormément, remplit de notes ses carnets intimes.
  J’écris avec rage, c’est ma vie…
et un peu plus tard :
  Mon unique joie est la poésie. J’écris comme on boit…
Par l’intermédiaire d’Ehrenbourg, elle apprend en 1921 que son mari est en vie, réfugié à Prague. Elle lui écrit :
  Mon Seriojenka,
  Si vous êtes vivant, je suis sauvée… Si vous êtes vivant, nous nous reverrons, nous aurons un fils..Vous et Alia, voilà mon bien… Ne pleurez pas Irina, je ne veux pas de votre douleur, je la prends toute sur moi… Alia a huit ans. Elle aime ardemment la nature, les bêtes sauvages, les héros, tout ce qui est innocent et éternel… Elle se souvient de vous et vous aime passionnément… Pour elle, il faut que vous soyez vivant… Je n’écris plus, je suis déjà toute en vous, je n’ai plus ni lèvres ni yeux ni mains, rien que le souffle et le battement du coeur.
Le 11 mai 1922, Marina se met en route avec Alia pour la Tchécoslovaquie. Première étape, Berlin où sont réunis bon nombre d’écrivains russes : Pasternak qu’elle a manqué de peu, Chlowsky, Ehrenbourg qui l’accueille et lui apporte son aide. Le 7 juin 1922, Serioja arrive enfin de Prague : ils se retrouvent après cinq ans de séparation. Prague, ville qu’elle trouve magnifique, étant trop chère pour eux, ils vont s’installer à la campagne dans une petite maison pleine de charme mais sans aucun confort. Alia va chercher l’eau au puits et ramasser le bois mort dans la forêt, patauge dans la boue et la neige fondue en hiver, éblouie par les fleurs au printemps. La vie est rude pour tous, fatigante pour Serguei qui suit des cours à l’université de Prague et fait de fréquents allers-retours mais elle plait à Alia, et Marina écrit beaucoup. Elle se lie d’amitié épistolaire avec l’éditeur Vichniak, le critique littéraire Alexandre Bakhrakh et entreprend sa grande correspondance avec Boris Pasternak, son frère amour.
C’est là, au pied d’une colline qui va devenir sa montagne, qu’elle écrit le double poème reconnu comme son chef d’oeuvre : Poème de la montagne et Poème de la fin.
  Que tu tressailles
  Et tombent les montagnes.
  Et monte l’âme !
  Laisse mon chant monter :
  Chant de l’entaille
  De ma montagne
Elle explique à Pasternak :
  le Poème de la Montagne est une montagne vue d’une autre, le Poème de la Fin est une montagne sur moi, je gis sous elle.
Elle vient de vivre une véritable passion avec Konstantin Rodzevitch, jeune officier, ami d’Efröm, comme lui jadis engagé dans l’armée blanche et maintenant inscrit à l’université de Prague.
  Pour la première fois j’ai senti l’unité du ciel et de la terre…. Vous êtes le seul à m’avoir demandé toute entière, à m’avoir dit : l’amour existe…
C’est ce qu’exprime le Poème de la montagne :
  Cette montagne était le torse
  D’un conscrit renversé par la mitraille,
  Cette montagne voulait des noces…
  Cette montagne-ci m’était le paradis…
Très vite les amants vont renoncer à leur passion et Le poème de la fin est une dernière promenade désenchantée :
  Donc, pas la peine, pas la peine,
  ne pas pleurer !…
  sa main sur mon âme…
  ma main : que moi je la dégage ?
  La rende ? Non !
  Le dernier pont, dernier péage…
Le vers est désarticulé, les mots peinent à suivre la vitesse de la pensée, du désespoir qui fait rage, de la dérision…
  Ça brûle, l’âme qu’on arrache avec la peau !…
La force de cette poésie la consacrera. Pasternak la porte aux nues :
  Marina tu es un grand poète.
Serioja n’accepte pas cet amour. Marina préfère mettre la souffrance de son côté. Elle ne peut ni tromper ni voir l’autre souffrir.
Bâtir son bonheur sur la carcasse d’autrui, non, je ne le peux pas.
Elle sait que Konstantin se remettra de cette rupture. Il ne l’oubliera cependant jamais et Alia en aura la preuve quand, beaucoup plus tard, dans les années 60, elle le rencontrera à Paris.
Marina renoue donc avec Serguei et, en 1925, elle met au monde ce fils tant désiré, entourée de paysannes qui la comblent de soins, de chaleur, d’amour. C’est un moment de bonheur total.
Il me semble que, pour la première fois de ma vie, je connais la béatitude.
Pourtant, rien n’est simple : le petit garçon s’appelle Gueorgui, on le surnommera Mour. Au fond d’elle-même, Marina, en intense correspondance avec Boris Pasternak, aurait voulu lui dédier cet enfant en le nommant Boris mais c’eut été offenser Serguei et elle écrit à Pasternak :
  Il a été Boris neuf mois durant en moi-même mais Sérioja désirait, sans l’exiger, qu’il s’appelât Gueorgui et j’ai cédé. Après quoi ce fut un soulagement !
Elle écrit encore une pièce : Ariadna, inspirée d’Ariane à Naxos, des récits : Le Diable et un long poème : Le charmeur de rats. En même temps, elle s’occupe de son fils qu’elle nourrit toutes les deux heures et qui dort très peu. Elle correspond avec ses amies, laissant à Alia et aux nounous les soins du ménage. Peu à peu, dans les lettres de Marina commence à prendre forme le désir de partir, quitter cette campagne où elle se sent loin de tout, rejoindre, pourquoi pas, les émigrés russes à Paris. Elle est consciente des difficultés que cela entrainerait pour Serguei mais elle maîtrise parfaitement le français et, si ce n’est à Moscou, alors, vivre à Paris !
  Notre départ commence à se concrétiser… Partir pour toujours ou pour trois mois…
(septembre 1925)
Ils partent tous les quatre et leur installation dans une seule pièce bruyante et sombre du 19° arrondissement consterne Marina.
Marcher jusqu’au moindre parc, voir des arbres demande 40 minutes.
Elle écrit de nombreuses lettres, souvent acerbes, à d’autres auteurs, des directeurs de revue pour lesquelles elle travaille un peu. Elle traduit cependant Pouchkine, écrit à André Gide et déclame Maiakovski dans les salons des émigrés.
Il faut lire Maiakovski tous ensemble, en chœur, à voix haute et le plus fort possible.
Ces revues, soirées de lectures de ses poèmes et sa pension de Tchécoslovaquie permettent toutefois de subsister et même de s’échapper.
Tout un été, elle sera à Saint-Gilles en Vendée. C’est de là que sa correspondance atteindra un sommet, cette fameuse correspondance croisée : Marina, Boris Pasternak, Rainer Maria Rilke. Pasternak lui fait connaître Rilke en 1926. Il envoie à Rilke des poèmes de Marina et lui demande d’adresser ses poèmes à Marina en retour. Ainsi Marina reçoit-elle de Rilke les élégies Duino et les sonnets à Orphée précédés de la fameuse strophe :
  Nous nous touchons, comment ? Par des coups d’aile,
  par les distances mêmes nous nous effleurons.
  Un poète seul vit, et quelquefois
  vient qui le porte au-devant de qui le porta.
qui recèle pour eux trois la définition même de la poésie. Elle s’enthousiasme,
Pour ma fête, le plus beau cadeau : ta lettre.
Il l’appelle Merveilleuse Marina. Elle veut à tout prix le rencontrer et va jusqu’à écarter Pasternak qui disait
J’ai un désir fou de vivre avec toi, ensemble nous irons voir Rilke…
Elle a soudain pour Rilke un amour fou, le tutoie, lui dit qu’il est avec elle le seul poète vivant, que, par ces lettres échangées, ils vivent ensemble :
Ce soir, je dors avec toi !
et ne se rend pas compte que Rilke, atteint de leucémie, vit ses derniers mois dans un château du Valais, ne veut ni cet amour exclusif ni la rejoindre.
De retour à Paris, elle lui écrit en vain Est-ce que tu m’aimes encore? Silence. Elle apprend par hasard sa mort. Frappée de tristesse, elle l’annonce à Pasternak et reprend avec lui la célèbre correspondance, l’assurant à nouveau d’un amour sans faille…
La famille vit maintenant près de Meudon dans une aisance relative.Elle va enfin rencontrer Pasternak à Paris mais celui-ci est tiraillé entre sa femme, son fils et son immense désir de se rapprocher de Marina. Elle n’admet pas cet atermoiement. Il est déchiré entre son idéal politique, son amour de la Russie et le régime soviétique si indescriptible qu’il ne peut en parler. Marina qualifia cette rencontre tant désirée de non-rencontre.
Maiakovski qu’elle avait rencontré, sans pour autant s’entendre avec lui, se suicide en 1930. Elle écrit pour lui un cycle de poèmes et pour Andrei Biely qui meurt en 1934 Esprit captif.
Pendant ce temps, Serguei qui avait rejoint le mouvement des Eurasiens s’est engagé dans les services secrets soviétiques pour prouver à Moscou où il veut rentrer son attachement à la Russie. Il est compromis dans une affaire de contre-espionnage, doit se cacher pour un temps et, sommé de rentrer, il rejoint Moscou.
Alia qui, peu à peu s’opposait à Marina et voulait reprendre sa liberté, se rapproche de son père. Elle le retrouve en 1937, travaille dans une maison d’édition et se met en ménage avec un jeune russe, Samuel Gourevitch dit Moulia.
Marina, restée seule avec Mour en France en 1938, n’a plus d’amis, désire rejoindre les siens, retrouver Moscou qu’elle sait bien différent de celui qu’elle a connu et sa chère Russie devenue Union Soviétique… Elle réussit à partir, accompagnée de Mour qui a 14 ans. Ils sont accueillis par une Alia radieuse qui les conduit auprès de Serguei et ils vont vivre ensemble quelques mois à Bolchevo près de Moscou, dans une maison destinée aux agents du NKVD rapatriés de France et qui s’épient les uns les autres. Marina n’y est pas heureuse. Pas de solitude, pas de loisir pour écrire. Plus d’inspiration.
Laver la vaisselle toute la journée…calvaire des téléphones. Enigmatique Alia et sa gaieté factice… Tout est laid… Voici bientôt un an que je prends les mesures de la mort…
puis, de sa propre écriture,
  Alia est arrêtée le 27 septembre. Bravo pour son comportement !
  – Voyons Alia, tu t’en vas comme ça sans dire adieu à personne ?
  Le commandant, avec bonté :
  – C’est mieux comme ça. De longs adieux, ce sont des larmes inutiles.
Après une série d’interrogatoires où l’on exigeait d’elle l’aveu que son père et elle étaient des agents de renseignements français,
Dès le début, on se mit à me battre …
brisée par la privation de sommeil, les simulacres d’exécution et la torture, elle passe aux aveux. Elle est envoyée au bagne où Marina lui enverra des colis. Serguei est arrêté le 10 octobre. Marina et Mour se réfugient à Moscou dans un minuscule appartement appartenant à une soeur d’Efröm. Marina tente dans un ultime effort d’obtenir la clémence de Béria à qui elle adresse une longue lettre retraçant leur épopée et leur amour de la Russie
Je suis écrivain : Marina Ivanovna Tsvetaieva… Quand, le 19 juin 1939, j’entrai dans la datcha de Bolchevo, je vis un homme malade… une grave maladie de coeur… Je fais appel à votre sens de la justice. Cet homme a servi corps et âme sa patrie et l’idée du communisme… S’il s’agit d’une erreur, je vous en supplie, réparez la avant qu’il ne soit trop tard…
Lettre restée sans réponse, versée au dossier d’Efröm. La vie à Moscou est impossible, impossible de se loger, de récupérer ses malles, de trouver du travail. Inquiétude pour Mour qui, engagé dans la défense passive, passe ses nuits sur les toits à scruter le ciel… Marina et lui tentent de survivre dans le village de Golitsyno jusqu’en juin 1940.
Ici j’ai froid et faim, je n’ai pas de vie.
Elle fait des traductions. Mour, souvent malade, est cependant brillant à l’école. Elle tente encore d’exposer ses difficultés au secrétaire de l’Union des Ecrivains :
  Très honoré camarade Pavlenko,
  S’adresse à vous quelqu’un dans une situation désespérée… On a blessé, ensanglanté en moi la passion la plus forte, la Justice…
Elle écrit encore à Alia,
  Alia, si tu savais comme je m’ennuie de toi et de papa…
J’en ai parfaitement assez de cette vie mais j’ai envie de vivre jusqu’à la fin de cette guerre mondiale pour comprendre… Ne tombe pas malade.
Le 22 juin 1941, l’Allemagne envahit l’Union Soviétique. Elle est évacuée à Elabouga en Tartarie. Elle n’en peut plus. Elle a perdu tout espoir, toute inspiration. Elle qui voulait, tel le phénix, mourir et renaître dans le feu,
Et mes cendres seront plus chaudes que leur vie…
se pendra le 31 août 1941.
Je ne suis plus moi-même. Je suis dans une impasse. Je ne peux plus vivre.
Mour part au front. Il sera tué en Lettonie en juillet 1944. Efröm sera fusillé le 16 octobre de la même année. Alia leur survivra. Définitivement libérée en 1955, elle passera le reste de sa vie à écrire et à faire reconnaître l’œuvre de sa mère.

Françoise Autin
17 Avril 2018